Très humbles rapports : 1841 à 1844Légende =" ſ " ou " s long " = " s "" ? " : non déchiffré / manquant
du 29 Mars 1841. Pour me conformer aux ordres gracieux du 13 Octobre de l'année passée, je dois faire mon très humble rapport sur le nombre de la population et sur des questions relatives aux Esclaves, que j'ai été obligé d'ajourner jusqu'à présent à cause de la maladie. Le resumé qui a été très humblement transmis par le rapport N°174 du 21 Decembre passé porte la maſse de la population au 19 Octobre passé à 2555 individus de toute classe tant en ville qu'à la Campagne. Ce chiffre ayant subi un decroissement de 58 personnes par décès depuis les déclarations faites au recensement le 16, 17 et 19 Octobre jusqu'à la fin de l'année, je crois devoir le faire noter sur le Resumé que j'ai maintenant l'honneur de soumettre très humblement ci-joint.
Au recensement précédent en 1838, mentionné dans mes très humbles rapports du 10 mai 6me §, et du 25 Juillet 2me §de l'année ſusdite, le nombre des habitants ſ'élevait
Il y a eu ainsi une diminution depuis le dit denombrement de 468 individus y compris 96 Esclaves. La population Esclave au 31 Decembre passé rangée en trois classes d'après l'age, savoir de quinze à soixante ans, - au deſsous de quinze ans, - et au deſsus de soixante ans, présente les chiffres suivants.
La condition de cette dernière partie de la population de l'Ile m'a toujours paru meilleur que celle de la même claſse dans toutes les autres Iles, dont jai eu occasion de former une opinion tant à l'égard du travail qu'au traitement, et l'est encore sous certains rapports à celles de population laborieuse, recemment affranchie des Colonies Anglaises et même de quelques pays en Europe. D'abord en ce qui concerne le travail : il est à observer que la cultivation dans cette île, où il y a ni plantation de cannes à sucre, ni de café, est de beaucoup moins pénible que dans les colonies où l'exploitation agricole consiste principalement en pareilles plantations ou telle qu'elle l'est dans la mère-patrie. Il faut aussi remarquer que la population rurale, qui est à quelque peu près toute d'extraction européenne, peut être plutôt aſsimilée aux paysans de l'Europe qu'aux Colons des antilles en ce que ceux-ci dirigent seulement les ouvrages, tandis que nos habitants mettent la main à l'œuvre eux mêmes travaillant aux champs, à la pêche ou à toute autre occupation à coté de leurs esclaves, s'ils en ont, et venant en ville au marché comme eux vendre le produit des jardins ou de la pêche. Ainsi quelque soient les travaux auxquels l'esclave de la Campagne est aſsujetti il a l'encouragement de les voir partagés par toute la population libre et le plus ſouvent par son maitre, d'ailleurs le travail personnel dont l'habitude chez ces colons est peut-être un héritage de leurs ancêtres normands, est aujourd'hui devenu une néceſsité, les Esclaves étant insuffisans aux besoins et employés exclusivement par les propriétaires, leur nombre, qui a été en décroissant pendant les dernièresannées, quoique dans une proportion moins rapide que les Esclaves Urbains, n'atteigne pas maintenant le tiers du nombre des cultivateurs libres. Les heures des travaux publics de corvée ou de louage, pour l'ouvrier ou l'artisan libre comme l'esclave sont fixées par la coutume de ce pays de six heures du matin jusqu'à quatre heures de l'apres midi, une heure étant allouée pour le déjeuner. La même regle est ſuivie par les artisans ou laboureurs esclaves ou libres en louage à la journée pour les ouvrages des particuliers en Ville au point qu'il serait difficile de les persuader même dans les cas d'urgence d'outre passer ces heures. Pour les travaux rureaux le nombre d'heures est à peu près le même, mais la repartition est differente selon le genre de l'ouvrage et l'usage varie à cet égard dans les deux arrondissements de l'Ile, dans celui dit "du Vent" on donne généralement deux heures de repos au milieu de la journée et les travaux ceſsent une heure plus tard ; Dans la partie dit de "Sous le Vent" il y a un intervalle d'une heure pour le déjeuner, de deux heures pour le diner et on travaille ensuite jusqu'au soleil coucher vers 6 heures. Les Esclaves ayant des jardins à eux profitent de ces intervalles pour les cultiver ou pour soigner le betail ou la volaille qui leur appartiennent et dans l'absence du propriétaire ils ne sont point ſcrupuleux de l'emploi de son temps. Dans cette dernière partie les esclaves sont nourris et on leur accorde les samedis et dimanches, dans l'autre arrondissement on ne donne point la nourriture mais en compensation on leur alloue outre les deux jours ci-dessus mentionnés la moitié du vendredi et ils ont ou prennent le privilège de couper du bois sur les terrains de leurs maitres pour leur propre usage ou pour vendre. Dans l'une et l'autre partie le vetement est à la charge de l'esclave et à en juger d'après les apparences ils ne la trouvent pas trop difficile etant aussi bien vetus que la population ouvrière en générale. Les Esclaves de la Ville qui ne sont pas employés comme domestiques, se louent, ce qu'ils preferent, en payant au propriétaire une retribution convenue par jour ou la moitié de leurs gains : ce sont des journaliers, canotiers, portefaix, revendeurs de pain, marachandises sêches &a et s'ils ont un métier quelconque surtout celui de charpentier, maçon, peintre, tonnelier et calfats ils sont dans le cas de mener une vie très indépendante et avec de l'industrie de gagner leur liberté : mais leurs insouciance à cet égard est vraiment etonnante, il semble que pourvu qu'ils aient de quoi satisfaire aux besoins materiels du moment qu'ils s'intereſsent trop peu à l'avenir pour s'en aſsurer par quelques ſacrifices. L'autorité du maitre est exercée avec autant de modération qu'on puisse esperer sous un regime nécéſsairement arbitraire, le Gouvernement n'ayant jamais toléré des abus a cet égard. Depuis nombre d'années les travaux ne sont plus conduits, si jamais ils l'on été, par des piqueurs ou surveillants ayant pouvoir delegué du maitre d'infliger à l'instant des chatiments aux autres ou tout usage qui existe encore dans les autres colonies. L'humanité autant que l'interêt bien entendu du proprietaire le porte à bien traiter son esclave ; sous ce rapport il y eu un progrès sensible dans l'opinion, d'ailleurs la Cour de Justice a dans les derniers temps par ses Sentences établi l'égalité des punitions pour l'esclave comme pour l'homme libre convaincu du même delit et les distinctions établies par le Code Noir sont ainsi tombés en désuétude. C'est apparemment parceque l'Esclave ſent son sort plus supportable ici qu'il espère de trouver ailleurs qu'il profite si rarement des facilités de sévader qui lui sont offertes par ses liaisons avec les Affranchis des Iles Anglaises et les communications journalières avec ses Iles par leur canots, sur lesquels les moyens qui sont à notre disposition ne nous permettent pas d'exercer une surveillance effective. Depuis l'année 1832 il n'y a eu que 52 esclaves de la ville et 25 de la Campagne, ensemble 77 qui se sont évadés d'ici, tandis que de l'ile St Martin ils s'en vont à l'Anguille en nombre considerable malgré les moyens de répreſsion qu'on possède dans la dite Ile. Je ne suis pas en état a present de préciser le nombre des Esclaves qui se sont soustraits de cette manière à la domination des maitres antérieurement à l'année ci-deſsus mentionnée mais ce nombre ne doit pas être eloignée de cent cinquante. Quelles que soient au reste les ameliorations qu'on puisse apporter dans le sort de l'esclave, il en restera toujours dans la nature même des choses des conditions attachées à son état qui font gemir l'humanité et auxquelles il est impossible de remédier. Il est contrôlé dans ses plus etroites affections et dans les points les plus essentiels à son bien être il est frappé d'incapacité sociale, il ne peut pas contracter un mariage sans le consentement de son maitre, ce qu'implique abandon du droit de la libre disposition de son esclave ; or ce consentement n'est que très rarement donnée et ne l'a été que dans deux cas seulement depuis que je suis en fonction ici. L'esclave est par conséquent oblige de vivre en concubinage et peut être ſeparé de ſa femme, de ses enfans ou de ses parents au gré du maitre et même en opposition à sa volonté comme par une saissie exécution pour dettes. Au surplus il peut être enlevé à sa famille et exporté pour pays étrangères sans espoir de ne jamais revoir les siens. Ce droit de tous le plus oppressif quand il est exercé contre la volonté de l'esclave ne dépend que du sens qu'on attachera au contenu du 4me §. de la depêche gracieuse en date du 10 Septembre 1830. L'etandu qu'on y a donné ici, ne decoule pas, ce me ſemble si absolument du texte pour ecarter toute espèce de doute chéz moi sur la légalité de ses exportations. Cependant comme une interprétation affirmative à cet égard a été enoncé dans le 7me § du très humble rapport N° 76 du 1er Juillet 1832, sans que cette question delicate ait reçue aucune solution ultérieure, je n'ai pas osé y faire autre modification que de ne point permettre l'exportation forcée des esclaves. Mais fut il possible de resoudre toutes ces questions favorablement à l'esclave, il me semble qu'il ne resentira pas moins tout ce qu'il y a d'avillisant pour lui et la dignité de l'homme dans la qualification seule, surtout d'après le changement qui a du d'opérer dans son esprit par suite de l'emancipation générale de ses confrères dans les Colonies Anglaises. Heureusement l'Esclavage n'est nullement nécéſsaire dans cette Ile ou une population ouvrière libre pourra ſuppléer à tous les besoins de la Culture et de la Ville. Du maintien d'un systême si vicieux dans tous ses rapports il n'en resultera dorenavant que d'inconvenient graves, son abolition au contraire sera autant à l'avantage du maitre que de l'esclave. La seule précaution nécéssaire sera d'adopter des mesures legislatives contre le vagabondage et l'emigration, deux plaies profondes qui menace de ruine les petites colonies anglaises si on n'y porte remède. Quand le temps pour l'émancipation ſera arrivé, dans mon opinion la transition de l'esclavage à la liberté dans cette Ile doit être immediate, sans l'intermediaire de l'apprentissage car toute agitation de la question au prealable ne ſervira qu'à jeter le trouble dans les esprits et à créer de la méfiance entre les deux classes de la population. La Chambre des representants de l'Ile d'Antigue jugea ainsi la question lors de l'émancipation et accorda la liberté sans apprentissage, mesure que les autres colonies furent forcées d'adopter par la ſuite. L'Esclave placé tout au bas qu'il est de l'echelle sociale n'est pas moins doue d'intelligence et pour le degré de la civilisation et de la moralité il est dans cette Ile au niveau de la population ouvrière en général non compté les blancs de la Campagne qui pour la plupart, ignorant eux mêmes les premières élements de l'éducation paraissent fort peu soucieux de les faire enseigner à leurs enfants, tandis que les esclaves profitent des occasions qui s'offrent pour faire instruire les leurs. Il me semble ainsi que la société n'aura rien à craindre en les admettant à la participation des mêmes droits civils dont jouissent deja les autres. Tout peut s'accomplir sans secousse à une seule condition, mais elle est indispensable, c'est une compensation équitable pour les proprietaires qui sont absolument hors d'état de faire quelques sacrifices à cet égard par suite de la conjoncture desastreuse qui traine depuis tant d'années et qui a epuisee toutes leurs resources. Il ne reste maintenant qu'à trouver une base de calcul pour déterminer le montant de l'indemnité requise ce qui est assez difficile, vu qu'il n'existe pas ici, comme dans les Iles Danoises un tarif d'evaluation des esclaves qui du reste depende de l'age, santé, profession et autres qualités de l'individu, circonſtances qui ne sauraient s'établir correctement que par un examen concientieux de chaque cas ſpécial. Aussi y a t on recours à l'expertise quand il y a question d'expropriation d'un esclave, le tarif ne servant principalement à ce que je crois que pour la capitation. Vu en outre que les ventes qui ont lieu aux enchères sont influencées par trop des circonstances et considérations tendantes à la dépreciation des prix au dessous de la valeur réelle de l'esclave pour qu'elles soient prises pour règle. Ces influences s'etendent à la verité aussi ſur les ventes privées, mais comme leur action est beaucoup plus limitée il n'y a pas les mêmes objections contre l'emploie comme ceux des prix qu'on y obtienne, car si d'un coté il y a lieu de considerer les prix moyens tres bas pour les adultes il y aura de l'autre compensation en admettant le même taux pour les enfants afin que la somme totale puisse ſuffire pour une repartition fondée sur une estimation spéciale, seul guide sûr. À son défaut, je pense qu'on approchera assez près de la verité par un calcul du Capital que l'esclave represente d'après le loyer qu'il donne au propriétaire ou qu'il lui epargne par son service personel. Je ferai un essai plus bas de ce calcul, quoiqu il me manque quelques données pour établir la valeur relative des enfans, - cependant pour ne point donner l'eveil à l'attention publique par des recherches prématurées et trop minutieuses je me suis borné à prendre des renseignements au bureau de l'Encanteur et du Juge sur les prix obtenus pour les Esclaves vendus pendant les dernieres dix années. Le resultat se presente dans les deux tableaux suivants :
2me Tableau d'après un extrait du livre d'enregistrement de la Cour de Justice, montrant le nombre d'Esclaves vendus les prix obtenus et la valeur moyenne collectivement pour chaque annee.
La somme collective des vente, repartie entre les 109 esclaves / 20 enfants inclus / donnera une valeur moyenne de Gourdes courantes 177.6.5, mais on n'obtiendra que $ 163.11.1 en divisant la totalité de la valeur moyenne par le nombre d'années. Ayant dejà eu occasion d'emettre mon opinion ſur la tendance à la baisse dans les ventes, et particulièrement celles faites par l'entremise de l'Encanteur, je dois mentionner parmi les causes qui agissent sur elles, la facilité pour l'esclave de s'évader, la conviction qu'il en profitera s'il n'est pas content du changement, la certitude qu'il ne ſera pas rendu dans ce cas qui decourage des speculations, la repugnance qu'on a de rencherir sur lui lorsqu'il aura manifesté le desir de se faire acheter pour sa liberté ce qui arrive ſurtout dans les ventes par saisie, execution ou des ſucceſsions vacantes et enfin le desir qu'on a plutôt de ſe defaire que d'acquerir cette espèce de propriété aujourd'hui d'une nature trop précaire. Cependant l'esclave rapport au propriétaire un revenus assez élevé, ceux qui sont à la journée gagnent de un a trois quart de Gourdes par jour et quelques fois au de là, et payent en général la moitié au propriétaire, ce qui fera au plus bas taux $ 39 par an, mais en considerant qu'il peut y avoir quelques irregularités dans ces payements à cause de maladie ou manque de travail, quoique dans ce dernier cas le propriétaire peut l'employer lui même, et ne prennant que le loyer modique de $ 2 qu'un propriétaire peut recevoir pour ſa part d'un domestique en louage de 3 à 5 $ par mois, outre la nouriture estimée au moins à $ 2 ½ de plus, loyer que je paie, il y aura $ 24 par an representant à 8 (Pre Cte ?) un capital de $ 300 Courantes ou $ 240 Rondes pour un adulte de 15 à 60 ans. Quant à ceux qui sont au deſsous et au deſsus de cet age, j'eprouve plus d'embaras et j'avoue que c'est en tatonant et plutôt par conjecture que j'arrive à une conclusion, mais il me semble qu'on ne saurait considérer pour exagéré le taux de $ 80 pour les premiers et la moitié pour les derniers. En admettant ainsi pour valeur moyenne les sommes ci deſsus indiquées et en me referant à la classification des esclaves au commencement de ce rapport il en resultera le calcul suivant.
Les trois sommes en question pour indemnité, resultant du calcul ci-deſsus et des valeurs moyenne des ventes, privées, calculées au taux établi par ordonnance Royale dans les Iles anglaises de $ 4.80 par Livre Sterling équivalent comme ci-après, savoir :
En terminant mon très humble rapport je crois devoir mentionner qu'on a publié dans les Iles Danoises vers la fin de l'année passée une Ordonnance Royale, dont un imprimé est très humblement ci-joint, concédant le droit à l'esclave d'acquerir sa liberté moyennant une compensation pour sa valeur au propriétaire, passant les principes pour la fixation de cette valeur comme pour l'expropriation de l'Esclave en général et limitant le droit de punition. Dans le cas que l'émancipation sera retardé même pour longtemps dans cette Ile, peut être sera t-il utile d'adopter quelques uns de ces paragraphes, modifiés selon les circonstances qui ne ſont pas identiques avec celles des Iles Danoises. /du 26 Dec. 1843./ Mon dernier très humble rapport était du 23 Novembre passé portant le N° 210. Les habitants se ſont montrés très porté à vendre leurs esclaves pour leur liberté a un prix extremement modique en comparaison de la ſomme qu ils rapportent en loyer : - J'ai moi même avancé des moyens à cet effet à trois domestiques qui ſont maintenant à mon ſervice et qui se ſont affranchis pour les sommes indignifiantes de $ 42 à 56 gourdes Rondes, tandis qu'ils recoivent jusqu'à cinq gourdes et quatre escalins rondes par mois. Aucun esclave n'a été obligé de recourir pour l'obtension de sa manumission au droit qui leur est concedé dans les 1er et 2me §.§. de l'Ordonnance gracieuse du 6 Sept de l'année passée. On s'est arranger à l'amiable. Il y a eu plusieurs plaintes de la part de quelques esclaves mais je les ai trouvé pour la plus part peu fondées. /du 25 Avril 1844./ Mon dernier très humble rapport était du 26 Mars passé portant le N° 214. Cependant une esclave metisse nommée Pamela est venue dernierement me porter plainte contre son maitre, et cette affaire étant la premiere de quelque gravité depuis la publication de la dite Ordonnance Gracieuse, je crois de mon devoir d'en presenter très humblement un exposé succint à Votre Majesté tel qu'il resulte des déclarations constatées des parties devant le Tribunal ainsi que devant moi. Cette femme faisant partie d'une ſucceſsion en faillite à la Campagne avait été vendue ainsi que sa fille aux enchères publiques et adjugée, la mère a un Sr Brown habitant de cette ville, pour le prix très bas de Ctes $ 20, soit un doublon d'Espagne, par ſuite d'une convention pendant la vente entre elle et l'acquereur, qu'elle pouvait se libérer en payant le prix de l'achat. Rien ne fut stipulé en cette occasion ſur la mode de payment, c'est à dire, si cette somme devait être payé en une fois, ou si la femme pouvait s'acquitter par des payments partiels au fur et au mesure de ſes moyens. Cette convention soutenue par la femme a été nié par le Sr Brown ; Cependant le bas prix auquel elle fut adjugée, ainsi que cette circonstance qu'elle appartenait à une ſucceſsion endettée la rendent très probable. Ces ſortes de conventions sont d'usage ici, et elles ont toujours pour effet d'empecher le rencherissement du prix. Ce qui me parait encore prouver une telle convention, d'ailleurs établie par des temoins et finalement reconnue par le Sr Brown c'est qu'elle est de suite restée libre de disposer de son temps. Comme cependant elle avait laisser passer quelques mois sans ſe montrer à son maitre ou faire un payement quelconque, une altercation s'en est ſuivie, a la ſuite de laquelle il a été convenu, qu'elle devait payer une somme fixe pour loyer, jusqu'à l'acquittement du prix de son achat. La femme a nié cette circonstance devant moi, mais l'a avoué plus tard devant la Cour, en disant qu'Elle y avait été forcée par crainte de mauvais traitement, ce qui peut bien être vrai, allegation qui ne parait cependant pas notée sur le procès-verbal. Depuis ce temps Elle a payé peu à peu jusqu'à la somme de $ 34 selon Elle, $ 22 seulement d'après le dire de son maitre ; mais ce dernier n'ayant pas pu par ses livres prouver la verité de son dire, l'une de ces assertions peut bien valoir l'autre. Ayant dans tous les cas payé plus que le prix de son achat Elle se croyait avoir acquise ſa liberté et comme son maitre s'y est opposé Elle s'est adreſsée à moi. Dans cet état des choses et comme il a été en outre constaté par des temoins que le Sr Brown n'avait pris aucun soin d'Elle pendant tout ce temps, que de plus il lui avit refusé tout aide et secours, lorqu'elle était malade et hors d'état de pourvoir à ses besoins, j'ai trouvé qu'il ne pouvait pretendre à un loyer, tout au plus à un intérêt legal de la somme qui avait été le prix de l'achat. N'ayant cependant pas reussi de les mettre d'accord ni a faire desister le Sr Brown de ſes prétentions de garder comme loyer, l'argent reçu par lui, j'ai renvoyé les parties devant la Cour de Justice en ordonnant au fiscal d'être le Conseil et le defenseur de la femme en cette occasion. Le Tribunal dans sa séance du 15 mars passé a donne gain de cause au Sr Brown, et ordonné à la femme de lui obéir comme à son maitre legal, tout en reconnaissant son droit à la liberté pour le prix de son achat. Cette sentence de la Cour, sans doute conforme à la lettre de la loi, ne m'a pas paru egalement conforme à la morale et à l'equité parcequ'elle ne prends en aucune consideration l'état d'abandon de cette femme pendant sa maladie. Elle ne me parait pas non plus conséquente ; car en maintenant à la femme le droit de se libérer, moyennant le prix de son achat, elle reconnait par ce fait même l'existence d'une convention, soutenue par la femme. - Or ce fait étant donc vrai, cette autre aſsertion de la femme mais nié par le maitre, savoir qu'Elle avait été forcée de convenir d'un payement pour loyer, pouvait donc l'être également ; et alors je ne vois pas trop sur quoi cette obligation pour la femme à payer un loyer, pourra se fonder, eu égard à l'état d'abandon où elle avait été laissee par son Maitre pendant sa maladie. Cette issue de l'affaire est également une preuve de plus sur l'insuffisance de la législation en matière d'Esclaves, tant que le Tribunal appelé à l'interpreter, restera tel qu'il est composé, où ſur cinq membres, il y aura toujours au moins trois propriétaires à Esclaves, dont les ſympaties sont et seront acquises aux Maitres d'Esclaves. Il est vrai, qu'il y a eu cette fois unanimité d'opinion, mais en supposant même que le President et le Secretaire du Gouvernement, représenté à cette occasion provisoirement par M. Ekerman, eussent emis un vote contraire, l'issue de l'affaire n'en eut pas moins été la même.- Il est peu probable que des cas pareils se renouvellent dorénavant, mais en cas que cela eut lieu, je ne vois d'autre remède contre cette influence exercée par les propriétaires à Esclaves dans les questions de cette nature, en conservant l'organisation actuelle de la Cour, que de conférer au Gouvernement le droit d'adjoindre à la Cour, toutes les fois qu elle aura à juger des questions d'Esclaves un membre de plus pris ſoit parmi les fonctionnaires ou autrement selon les circonstances. Par ce moyen on pourrait parvenir à contrebalancer l'influeance des Propriétaires et rendre au moins la chance égale. Source = Série RG [Rapport des Gouverneurs] / volume n° 125 = microfilm 50 Miom 125 - Fonds Suédois de Saint-Barthélemy (Archives Nationales d'Outre-Mer. Aix-en-Provence) Bibliographie (abolition de l'esclavage & Saint-Barthélemy)
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